Récit de Marine

octobre 19, 2017

Après que mon père se soit remarié, je ne cessais de lui demander ainsi qu’à ma belle-mère, de me donner une petite sœur ou un petit frère. Le 31 décembre 1993, mon petit frère Quentin est né. J’étais comblée et ne pouvais attendre d’aller rendre visite à mon père pour rencontrer Quentin. J’étais encore petite fille puisque je n’avais que 6 ans mais j’avais quand même la permission de tenir le bébé dans mes bras à condition d’être assise. J’ai encore une photo de ce jour où j’étais assise sur le canapé de mes grands-parents avec mon petit Quentin dans mes bras et un énorme sourire aux lèvres. Je me souviens encore de ce jour comme si c’était hier. J’étais si heureuse et si fière d’avoir un petit frère mais je me souviens combien j’étais triste lorsque mes vacances se sont terminées et que j’ai dit au revoir à mon beau et précieux petit frère. Je me souviens aussi d’avoir été jalouse de mes cousins qui habitaient dans la même région que mon père et qui, probablement, allaient le voir plus souvent que moi … Quand je suis retournée à la maison et à l’école, je n’avais qu’une personne en tête et la seule personne dont je parlais était Quentin.

 

 

Quelques mois plus tard, en mai, ma mère est venue me réveiller en disant qu’elle avait quelque chose à me dire. Ne sachant pas à quoi m’attendre, je l’ai simplement regardée mais pour sûr, j’étais loin de m’attendre à ce qu’elle allait m’annoncer. Quand, une première fois, elle m’a dit : « Quentin est mort », je l’ai regardée en souriant en lui demandant si c’était une blague ce à quoi elle m’a répondu : « Bien sûr que non, on ne plaisante pas avec ces choses-là » Et puis, la réalité de ce qui était arrivé m’a frappée. Je ne comprenais ni pourquoi, ni comment mais tout ce que je pouvais sentir était comme un trou, un vide et une tristesse immenses et pour la première fois, j’ai compris ce que l’on ressentait lorsqu’on perdait quelqu’un que l’on aime. Je ne pense pas avoir jamais autant pleuré. M’habiller, ce matin-là (parce que nous prenions le train ce même jour pour nous rendre à l’enterrement qui allait avoir lieu le lendemain) a été une tâche si difficile à accomplir. Quelque chose d’aussi simple que d’enfiler mes pantalons semblait soudainement impossible. Je me souviens avoir ressenti ce matin-là que quelque chose en moi avait changé. Non seulement j’avais perdu mon frère mais une partie de mon innocence et j’avais pris conscience de la fragilité de la vie. J’ai aussi eu l’impression d’avoir soudain vieilli.

Je me souviendrai toujours de l’enterrement et je sais qu’originellement plusieurs personnes du côté de la famille de mon père, ont dit à ma mère que je ne devrais pas venir à l’enterrement parce que j’étais trop jeune, etc … Cependant après avoir parlé à d’autres personnes, ma mère a décidé que je devais y aller pour dire aurevoir à mon frère et voir que je n’étais pas la seule à ressentir ce que je ressentais. Je dois dire que ce jour est gravé au plus profond de mon cœur et je suis reconnaissante d’avoir été présente. Malgré ma

tristesse, je ne changerais rien. Je pense qu’il était important que je sois là. J’ai fait quelques dessins pour mettre dans le cercueil de mon frère et j’ai présenté à ma mère, mon adorable frère qu’elle ne connaissait pas. Plus tard, m’a mère m’a rapporté qu’en fait, je lui avais dit que j’étais contente qu’elle ait finalement pu le rencontrer mais le plus important était que j’avais pu le voir une dernière fois. Il était superbe et paraissait paisible.

Le moment le plus difficile et le plus triste de ce jour a été au moment où nous avons quitté l’église. Nous attendions tous sur le trottoir devant la maison de mes grands-parents et mon père et ma belle-mère étaient encore en haut des escaliers qui menaient à la porte d’entrée. Je pense que les frères de ma belle-mère portaient le petit cercueil de Quentin qui  était fermé et lorsqu’ils sont passés devant ma belle-mère, elle a soudainement poussé un cri, le cri le plus déchirant que j’ai jamais entendu, si long : « Non ! » et elle s’accrochait à la rampe des escaliers parce qu’elle ne voulait pas partir. Je crois qu’elle venait soudainement de prendre conscience de ce qui allait se passer. Pendant qu’elle criait, le silence est tombé sur la rue entière alors que nous nous tenions tous là, immobiles, comme si l’immensité de sa peine perçait notre cœur comme une flèche. C’est à ce moment que j’ai compris la tristesse et la peine qu’elle ressentait et je crois que tout la monde l’a ressenti. C’est la première fois que j’ai vu mon grand-père qui habituellement, était toujours heureux et drôle, actuellement verser des larmes.

Cela fait maintenant 20 ans que mon frère est décédé et il tiendra toujours une énorme place dans ma vie. Bien que je ne comprenne pas toujours pourquoi il est mort, je l’ai accepté et me suis fait une raison. Parfois, je me demande encore comment il serait maintenant ? A qui ressemblerait-il ? Qu’étudierait-il ? Cependant, je ne m’attarde pas. Pour moi, il est devenu mon ange gardien et celui de de toute notre famille. Pour moi, son âme est dans l’ours en peluche que j’ai nommé après lui, après sa mort. J’ai toujours cet ours en peluche et je le serre toujours dans mes bras chaque fois que j’ai besoin de réconfort. Je ne suis pas religieuse à proprement parler mais je crois fermement que son esprit m’accompagne.. Je pense que j’ai transféré son énergie à son ours en peluche, enparticulier, parce que quand j’avais six ans et que j’étais triste à cause de la mort de mon frère, je pouvais me raccrocher à cet ours en peluche, tout comme si j’avais été réconforté par Quentin lui-même. Je pouvais le serrer dans mes bras aussi longtemps que j’en avais besoin. Je pouvais lui parler et lui dire que Quentin me manquait. Je trouvais finalement la paix intérieure sachant qu’en quelque sorte, il était encore avec moi, qu’il m’écoutait et me réconfortait. Ce qui me frustre parfois c’est que beaucoup de gens minimisent ma perte lorsque je leur raconte que mon petit frère est mort du SMSN alors qu’íl avait 4 mois et demi et que j’avais 6 ans, d’autant plus qu’il n’était pas mon « vrai » frère en quelque sorte puisqu’il était mon demi-frère. Pourtant, la vérité est que pour moi, il était simplement mon frère et que je l’aimais tout comme n’importe quelle sœur aime son petit frère ou sa petite sœur. Lorsqu’il nous a quittés j’ai eu le cœur brisé, un point, c’est tout ! Jusqu’à ce jour, chaque fois que je vais en France dont je suis originaire, je vais sur sa tombe et devant je dessine un énorme cœur, dans le sable. Je lui dis que je l’aime et qu’il sera toujours dans mon cœur. Il est ma force, mon petit ange.